Le Serpent de Mer - Gabriel de Lautrec



On ne dira jamais assez le charme des petites brocantes de province. Telle celle-ci, à Arronnes, voilà quelques semaines, dans l'idyllique vallée du Sichon, au coeur de la montagne bourbonnaise, non loin de Vichy, où l'on trouva dans un panier quelques jolies choses cédées à vil prix, dont ce Serpent de mer sur lequel on n'imaginait pas tomber un jour. L'auteur, Gabriel de Lautrec (1867-1938), est cousin de qui l'on sait. Il restera peut-être à la postérité pour ses traductions de Mark Twain. Il mériterait une petite biographie, qui montrerait quel gros déconneur ce fut, de la trempe d'un Alphonse Allais. Son oeuvre, disparate et inégale, s'ouvre avec de singuliers Poèmes en prose, qu'on dit écrits sous l'influence de l'opium. Pour en savoir plus, on renvoie le lecteur à un article de l'inévitable Éric Dussert paru en 1997 dans le Matricule des Anges - c'est ici. Le Serpent de Mer date de 1925. C'est le quatrième livre d'une série de "romans gais" des Éditions du Siècle. Les premiers titres laissent songeurs : La Négresse dans la Piscine de Vincent Hyspa et Fernand Myssor, Un Train entre en Gare de Henri Seguin (nom derrière lequel se cachent Pierre Benoit, Tristan Derême et Charles Derennes) ou encore La Dactylo qui purge Homère de Marc Daubrive. On est loin, très loin de la rentrée littéraire 2009...

Voici les premières lignes du Serpent de Mer, qu'on ne s'est pas encore décidé à lire, et qui donnent le ton.

CHAPITRE PREMIER

Où il est question d'un grand voyage de découvertes, destiné à enrichîr la science d'une contribution définitive.

Voici comment la chose arriva.
Attention ! Nous savons parfaitement qu'au point de vue de la correction stylique l'expression dont nous venons de nous servir laisse à désirer. On ne doit employer le mot « chose », que lorsqu'on ne peut faire autrement. Il faut user d'un terme plus précis, toutes les fois que l'on a ce terme à sa disposition. Mais, au contraire, ce mot est louable dès le moment que l'idée reste dans le vague. Ce qui est le cas. Le lecteur ignore absolument, à l'heure actuelle, quelle est la chose en question. Comment ne l'ignorerait-il pas, puisque l'auteur le sait à peine, et ne sera complètement renseigné que lorsqu'il aura fini d'écrire cet ouvrage magistral ? Si l'on savait, dès les premières pages, quel sera le dénouement, la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue.

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