Drieu la Rochelle vu par André Beucler


Drieu était charmant, intelligent, décadent, pervers, réticent, imprudent, timoré, ni tout à fait bourgeois, ni tout à fait antibourgeois, cérébral et risque-tout, généreux avec profondeur, vulnérable, perpétuellement disponible, noble, écœuré, dévoué, égoïste, inquiet, solitaire, délicat, lucide, aristocrate, sceptique, enthousiaste, désespéré, malade de la volonté, ambitieux et résigné, clairvoyant et naïf, vibrant et paresseux, homme nouveau et homme attardé, bon camarade, mais toujours prêt à se fâcher, et enfin, ajoutons-le, en dépit de ses manières accueillantes, secret, très secret, comme tous les êtres systématiquement sincères. Plus que secret, indéchiffrable, esclave, sur un rythme déconcertant, de toutes les tentations intellectuelles, des moindres données immédiates de sa conscience agitée. En même temps il allait paresseusement à la recherche de quelque impassibilité enfin définitive. Mais quel délicieux compagnon de flânerie, quel voisin de table !

Extrait de (l'excellent) De Saint-Petersbourg à Saint-Germain-des-Près (Gallimard, 1980) acheté récemment pour 1 €. On y trouve aussi (entre autres) le réjouissant récit d'un dîner réunissant autour de Paul Valéry : Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud, Frédéric Lefèvre, Ramon Fernandez et André Beucler.

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